Fondation Falret

Notre action contre l’exclusion à domicile : un dispositif en sursis !

Prenez connaissance de l'action de notre Equipe Mobile Passerelle.

L’équipe Mobile Passerelle


Une action contre l’exclusion à domicile : un dispositif en sursis !

L’Équipe Mobile Passerelle est un dispositif dont l’objectif est d’aller à la rencontre de locataires en difficultés à leur domicile et dont l’isolement et la vulnérabilité ont été signalés par le bailleur. La spécificité de ce public est qu’il est invisible, qu’il ne demande rien bien qu’il ait besoin de tout… Si leur précarité économique est réelle, c’est surtout leur isolement qui les confine dans des situations de grande détresse physique et psychique.
Avec des résultats probants et une demande forte de la part des bailleurs, ce projet expérimental devrait se développer et reste pourtant menacé par manque de financement.

L’Équipe Mobile Passerelle, dispositif innovant et expérimental a débuté son action en mars 2016 sur le département Sud Yvelines dans le cadre de l’appel à projet 10 000 logements accompagnés. 
L’équipe est l’émanation concrète d’un groupe de travail et de réflexion de l’ŒUVRE FALRET, la CPT sud Yvelines et le bailleur social Les Résidences Yvelines-Essonne. Dans quel but ? « Allers vers » les personnes pour favoriser leur maintien et leur bien-être dans leur logement, éviter les expulsions, combattre leur isolement, améliorer leur condition de vie… 
La particularité ? Une équipe socio-sanitaire, composée de psychologue/infirmier du secteur psychiatrique et de travailleurs sociaux du médico-social, œuvrant conjointement via un binôme d’intervention.
L’enjeu ? Pouvoir se faire ouvrir la porte, établir un lien de confiance et agir avec et pour des personnes qui ne nous connaissent pas, qui ne demandent rien et qui, souvent, ont besoin de tout. 
Il s’agit d’être dans un mouvement d’attention centré sur la personne, dans une prise en compte de sa globalité pour non pas d’emblée résoudre la situation mais créer le lien qui lui fait défaut et participer au processus de rétablissement. 
L’enjeu est de restaurer le mieux-être, l’accès aux soins, le pouvoir d’agir et la stabilité de la situation sociale par une intervention courte mais intensive, que nous avons fixée comme cadre de référence à 1 an, et 2 ans pour les personnes souffrant d’un syndrome de Diogène. 
Pour ce faire, l’équipe s’appuie sur le réseau partenarial pour inclure ou ré-inclure les acteurs du droit commun et dénouer ensemble la situation.
D’où l’intitulé « passerelle » qui vise à impulser ce maillage partenarial autour de la personne afin d’éviter un nouveau repli sur soi et un isolement social, probables déclencheurs de ces situations complexes, en plus de la maladie pour certains. 

Quel type de public ?


Ce public méconnu car « invisible », en rupture avec les dispositifs existants du territoire s’avère être plutôt âgé, plus de 40 % ont plus de 60 ans, avec une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes et un facteur d’isolement dans 70 % des cas
Les personnes que nous accompagnons vivent pour la majeure partie d’entre elles avec les minimas sociaux et 9 % n’ont aucune ressource. 
La précarité économique n’est pas le seul facteur d’exclusion sociale car c’est vraiment la dimension du lien qui fait défaut, par l’amoindrissement des capacités relationnelles, par la perte de repères et des codes sociaux et une forme de « désapprentissage » dans les actes de la vie quotidienne. 
La dimension de la santé mentale est aussi prégnante avec 75 % des personnes présentant un trouble psychiatrique. 
Il y a aussi la particularité sur notre territoire d’avoir peu de personnes sans domicile fixe dans les rues, ces derniers vivant leur parcours de désinsertion et d’exclusion à leur domicile sous des formes de cohabitation ou de repli à l’abri des regards. C’est donc un public confronté à des problématiques multifactorielles où s’imbriquent les dimensions économiques, sociales et sanitaires.  
L’Équipe Mobile Passerelle pourrait être qualifiée à cet effet « de maraude sociale… au domicile » mais elle est plus que cela, comme nous le verrons dans la suite de ce texte puisque son action se différencie par un accompagnement, à la fois social et sanitaire, pleinement intégré dans l’environnement et ses acteurs. 


Intervention de l’équipe


Le fonctionnement de l’Équipe mobile Passerelle se veut proactif et pragmatique. Le bailleur est le prescripteur des situations par le biais de fiches navettes permettant de recenser des éléments de situation (âge, situation socioprofessionnelle, parcours de vie..) et des indicateurs (impayés, relation de voisinage, odeur émanant de l’appartement, mesure d’expulsion etc..) qui sont évalués conjointement en commission d’admission, afin d’une part, d’avoir un regard croisé pluri professionnel et, d’autre part, entrevoir des pistes d’exploration pour affiner notre évaluation en vue de l’admission. 
Une fois que la situation est validée, s’ensuit une phase d’investigation réalisée par le binôme et les conseillères du bailleur auprès des différents partenaires ou personnes ressources connues, en amont de la potentielle rencontre avec le locataire, pour repérer et s’appuyer sur l’existant. Il va s’agir alors d’identifier le bon levier, la clef d’entrée qui va légitimer l’intervention auprès de la personne et lui donner un sens pour qu’elle ouvre sa porte. 
C’est d’ailleurs peut-être déjà là que l’alliance va se jouer avec la subtilité de ne pas paraître intrusif sans participer à la négation du problème afin que ce dernier puisse se conscientiser.  
La porte s’ouvre, premier succès, et déjà, il faut relever le deuxième challenge qui est de négocier le prochain rendez-vous ! En effet, il n’est pas commun de voir débarquer chez soi un travailleur social et un psychologue alors qu’il y a un problème d’impayé de loyer par exemple ! Mais contre toute attente, les personnes n’en tiennent pas vraiment compte et nous remercient de venir nous intéresser à elles. Peut-être attachent-elles finalement plus d’importance à l’objet de la visite et à la personne de l’intervenant lui même plutôt qu’à sa fonction. 
Le taux de première rencontre est de 80 % ce qui laisse à penser que cet « aller vers » est déjà une réelle réponse, notamment pour les personnes les plus isolées qui ont besoin d’aide mais qui se trouvent dans une véritable incapacité psychique ou physique à la demander.
 
Le temps d’attente entre la commission d’admission et le premier rdv. est de 1.3 mois en moyenne. Temporalité finalement très relative alors que certaines situations sont parfois enkystées depuis 5, 10, 15 ans… 
La configuration d’accompagnement en binôme permet à la fois de faire une évaluation en temps réel de la situation sanitaire et sociale et de rapidement dégager les axes de travail en lien avec la problématique identifiée. en fonction de ceux-ci, l’accompagnement se déclinera tantôt, du côté d’un accompagnement plus social (ouverture de droits, plan d’apurement, entretien et organisation du logement, démarches administratives, relations de voisinage…), tantôt sur un versant plus orienté soins somatiques et/ou psychiques (lien avec les CMP, médecins généralistes, prise en compte et acceptation de la maladie, travail autour des addictions…). 
La durée moyenne des accompagnements est d’environ 7,4 mois avec des interventions plus ou moins longues, plus ou moins en discontinuité. Ce qui fait force, c’est d’amener les personnes à se responsabiliser, à conscientiser les difficultés qu’elles rencontrent et les besoins qu’elles ont. . Il s’agit de ne pas occulter le fait que c’est dans « le faire avec », dans l’accompagnement «  au coté de » que l’on peut arriver à impulser le mouvement pour elles. 
L’un des facteurs de la réussite de ce dispositif est l’alchimie au niveau du territoire. Elle s’est constituée au fil des années grâce à ce mouvement d’acculturation favorisant ainsi le passage de l’interdisciplinarité à la transdisciplinarité. 
L’équipe mobile a désormais sa propre identité fonctionnelle et institutionnelle par un modèle d’intervention qui fait sens. Par ailleurs, nous pouvons dire aujourd’hui que l’Équipe Mobile Passerelle n’est pas une simple réponse externe, au sens d’un prestataire externalisé auprès du bailleur, mais bien une prolongation de sa mission sociale qui s’exerce en partenariat. Les ponts sont créés, les liens sont tissés et nous œuvrons conjointement dans le respect de nos prérogatives respectives. Il y a aujourd’hui un sens partagé et nous avons le sentiment de travailler « avec » et non « pour » le bailleur. 
La nuance a son importance. Cette collaboration permet d’ailleurs selon nos collègues bailleurs de faire monter les conseillères sociales en compétences, d’affiner le repérage des situations des locataires pour intervenir plus en amont et tendre vers le principe de prévention. En ce sens, l’Équipe Mobile Passerelle propose également des temps de sensibilisation à la compréhension de la maladie psychique auprès des agents de proximité : gardiens, responsable de site, etc. 


Un avenir bien incertain…


Aujourd’hui, l’Équipe Mobile Passerelle est fortement plébiscitée par ses partenaires bailleurs en raison de l’efficience du programme et des besoins réels sur le territoire. 
Certains nous ont rejoint successivement comme Adoma, I3F, Osica. Nous avons pris en charge à ce jour 82 situations sur le sud Yvelines et avons la volonté de développer cette action en intervenant sur le Nord des Yvelines pour répondre à une problématique similaire.  
Inscrit avec cohérence et efficacité dans la mouvance actuelle de l’évolution des politiques sociales et sanitaires, ce dispositif de santé mentale intégré dans la Cité, à faible coût, hors les murs institutionnels, pensé en transversalité et au plus proche des personnes, se voit confronté à sa potentielle disparition ou du moins, à une stagnation en termes d’activité. 
En effet, même si nous avons remporté le nouvel appel à Projet lancé par l’USH, les financements ne sont que partiels, et pour une durée limitée. 
Quel avenir réserve-t-on à une expérimentation réussie ? Quid de sa pérennité ? Faut-il toujours réinventer les dispositifs alors que ceux-ci font leurs preuves et ce, au regard des résultats et des plus-values qu’ils génèrent ? 
De manières très concrètes suite à nos interventions : coûts réels évités pour les pouvoirs publics en matière d’expulsions locatives, repérage et accompagnement de situations échappant aux radars classiques du sanitaire et du social, prévention des risques, ouvertures de droits, effacement de dettes, processus de rétablissement des personnes, accès aux soins, rapidité et efficacité d’intervention… 


L’Équipe Mobile Passerelle, telle que nous l’avons pensée et expérimentée, est aujourd’hui un dispositif que nous pensons efficient et duplicable, méritant de s’inscrire durablement dans le paysage de l’offre de réponses aux publics en précarité, en souffrance psychique et/ou pyscho-sociale.
Sinon, devons-nous finalement en conclure qu’accompagner la précarité nous amène inexorablement au précaire ? A l’éphémère ? Que cet effet miroir entre les réalités de vies de personnes et la précarité des institutions sociales n’est alors pas qu’un simple fantasme ? Alors que de l’autre côté du miroir justement, les besoins persistent et que l’isolement social perdure et confine certains dans une forme de mort sociale… en situation d’exclusion au domicile. 

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