Fondation Falret

Schizophrénie(s)

On ne parle pas de schizophrénie mais de schizophrénies, des termes "schizo" ou fendre, et de "phrène", esprit.  La schizophrénie appartient à la catégorie des psychoses avec pour fait majeur la perte de contact avec la réalité et un symptôme central, le délire.

Schizophrénie(s), Qu’est-ce que c’est ?

Le terme de “schizophrénie” s’impose à partir de 1911 avec les observations du psychiatre suisse Eugène Bleuler [1857-1939] et son traité « Démence précoce ou groupe des schizophrénies ». Il évoque une séparation psychique entre pensées et émotions avec la notion “d’esprit divisé“ ou esprit dissocié.

Trois groupes de symptômes permettent de diagnostiquer la schizophrénie.

- Les symptômes produits par la maladie (symptômes dits “positifs”) :

Il s’agit des délires et hallucinations, c’est-à-dire les fausses croyances et les fausses perceptions.

Quand le malade délire, il est persuadé que ses idées sont vraies et correspondent à la réalité, ce qui peut le conduire à des actes et des troubles de comportement plus ou moins graves. Dans ces idées délirantes, on retrouve souvent le fait que le malade se sent persécuté ou “délire de persécution”, le malade peut aussi avoir des idées mystiques, un sentiment de toute-puissance ou bien s’inventer une filiation.

Les hallucinations sont des perturbations graves des cinq sens que sont l’ouïe, le toucher, la vue, le goût, l’odorat. Par exemple, le malade schizophrène entend souvent des voix qui le menacent ou l’insultent.

- Les symptômes de repli affectif et social avec un comportement d’isolement (symptômes dits “négatifs”) :

Le malade se coupe des autres, se montre très fatigué avec un manque d’énergie. Il peut également témoigner d’un certain détachement avec l’absence de ressenti émotionnel face à certains événements tel qu’une naissance ou un décès.

Dans la schizophrénie, les émotions sont inadaptées aux situations avec des décalages entre le réel et l’émotion comme, par exemple, le fait de rire de la mort d’un proche. Le fait de se négliger et le manque d’hygiène corporelle est également caractéristique de la maladie.

- Les symptômes de désorganisation ou dissociation : désorganisation des pensées, désorganisation des comportements.

Le malade peut tenir des propos incohérents comme passer du coq à l’âne ou avoir des comportements totalement inadaptés aux situations.

« L’un de mes patients se couchait tout habillé avec les pieds sur l’oreiller. Il ne parvenait pas à construire le comportement cohérent nécessaire pour se mettre au lit », Pr Nicolas Franck – Psychiatre et Professeur des Universités, spécialiste des troubles psychotiques.

Selon la classification CIM-10, il existe quatre types de schizophrénie : le type paranoïde, le type hébéphrénique ou désorganisé, le type catatonique et le type indifférencié.

  • Dans la schizophrénie paranoïde, idées délirantes et hallucinations (auditives) sont dominantes.
  • Dans la schizophrénie hébéphrénique, la perturbation des émotions est au premier plan avec des symptômes importants de désorganisation.
  • Dans la schizophrénie catatonique, les troubles psychomoteurs dominent avec des épisodes d’agitation violente.
  • La schizophrénie indifférenciée correspond à une schizophrénie atypique par rapport à celles décrites précédemment.

La schizophrénie est une maladie chronique dont l’évolution peut être continue ou bien par épisodes avec des périodes de rémission qui ressemblent à une guérison. Elle existe dans toutes les cultures et touche surtout l’adulte entre 20 ans et 30 ans, même si des cas plus jeunes sont observés. La schizophrénie a un impact extrêmement important sur la vie familiale, sociale et professionnelle du malade. De nombreux préjugés entourent cette maladie qui fait peur dans notre société.

Les statistiques de violence montrent pourtant que les personnes souffrant de ces troubles ne sont pas plus dangereuses ou violentes que les autres puisqu’elles représentent seulement 3 à 5 % des actes de violence faits à des tiers*. Au contraire, elles sont très vulnérables et retournent souvent cette violence contre elles-mêmes.

Le risque suicidaire est bien plus élevé chez le malade schizophrène que dans la population générale puisqu’on estime que 10 à 13% des patients souffrant de schizophrénie se suicident, tandis que 20 à 50 % commettent des tentatives de suicide au cours de leur vie**.

Tabac, alcool et cannabis sont également très consommés par ces malades avec des risques d’aggravation de leurs symptômes.

Longtemps, les gens ont pensé que la schizophrénie était une maladie de l’âme, qu’elle correspondait à un manque de volonté ou à une double personnalité. Or, c’est bien une maladie dont l’origine est multifactorielle (environnement, hérédité, facteurs biologiques) et qui touche le cerveau. De récents travaux montrent un développement cérébral perturbé chez certains patients schizophrènes. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que de nombreuses personnes atteintes de schizophrénie mènent une vie normale et épanouie et les progrès thérapeutiques (médicaments, interventions psychosociales) ont été importants concernant cette maladie.

Un certain nombre de professionnels en psychiatrie militent aujourd’hui en faveur de la disparition du terme “schizophrénie” dans le cadre de la révision en cours de la classification internationale pour le diagnostic des pathologies mentales CIM-10. En effet, ce terme est jugé trop restrictif eu égard aux multiples formes de schizophrénie et à sa référence dominante à la dissociation et très stigmatisant pour les personnes qui en sont atteintes. 

Qui est concerné ?

La schizophrénie est la plus répandue des psychoses chez l’adulte. Selon les pays, elle concerne entre 0,5 % et 2 % de la population. On estime qu’elle atteint 1 % de la population générale mondiale.

En France, on évalue entre 300 000 et 500 000 le nombre de personnes atteintes de schizophrénie avec un taux de prévalence de cette maladie dans la population entre 0,4 % et 0,7 % selon les études. Les schizophrènes représentent, dans notre pays, 20 % des hospitalisations psychiatriques à temps complet et 1 % des dépenses totales de santé (source : Inserm).

*Rapport HAS « Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur », mars 2011
**N. Besnier, G. Gavaudan, A. Navez, M. Adida, F. Jollant, P. Courtet, C. Lançon, « Approche clinique du suicide au cours de la schizophrénie (I). Identification des facteurs de risque », Elsevier Masson; Revue L’Encéphale vol.35 - n°2 p.176-181, avril 2009
Auteur : R. Wolf - © ŒUVRE FALRET