Fondation Falret

SISM 2018 : Ghania et Coumba témoignent

Élever des enfants tout en suivant un traitement, ou faire le deuil de la parentalité : Ghania et Coumba prennent la parole.

Ghania vit avec son mari et ses deux enfants, âgés de 15 et 7 ans. Elle travaille à l’ESAT Le Colibri et s’investit à 100% dans l’éducation de ses petits. 

“La parentalité ne me rappelle que de mauvais souvenirs”

Coumba* vit au Foyer FALRET depuis mai dernier. A 60 ans, elle revient sur son parcours difficile où elle a dû surmonter la perte de deux enfants.  

Petite, quelles relations aviez-vous avec vos parents ?
Je suis née en Guinée Conakry. Avec mes parents, j’ai toujours eu de très bonnes relations, je me confiais beaucoup à eux. Mais dès l’âge de 7 ans, j’ai commencé à les voir beaucoup moins : j’étais dans un groupe où je dansais et chantais toute la journée. Les moments passés ensemble m’ont vraiment manqué. A cette époque déjà, j’adorais les enfants. Je m’occupais de mes petites nièces !

Comment a commencé votre vie de jeune femme ?
J’ai rencontré mon premier mari en voyage ; il était chef d’orchestre dans un groupe de musique. On s’’est mariés religieusement, et je suis tombée enceinte. J’ai perdu le bébé alors que je me rendais à un concert pour le travail. La route n’est pas bien entretenue en Guinée, il y avait beaucoup de secousses pendant le trajet et j’ai fait une fausse couche. Ça a été très dur. La danse m’a aidé à oublier et mon mari m’a soutenu, même si je n’avais plus la force de rien. 
Un an plus tard, il est décédé dans un accident de moto. Mon univers s’est écroulé : j’ai tout perdu à 18 ans. Je suis retournée vivre chez mes parents. 

Que s’est-il passé ensuite ?
J’ai rencontré un autre homme quelques années plus tard. Il voulait m’épouser mais mon père a refusé. C’était trop tard : j’étais tombée enceinte. 
J’ai caché ma grossesse jusqu’à ce que mon ventre soit rond avant d’accoucher à l’hôpital un matin, sans médicament pour calmer la douleur. Mon garçon faisait 4 kg à la naissance. Les médecins l’ont emmené pour le nettoyer, puis ils sont revenus les mains vides en me disant que mon bébé était mort. Il y a beaucoup de vols de nourrissons en Guinée et personne ne fait rien.
 

Dans quel état psychique étiez-vous ?
J’étais perdue. Dans ma tête j’étais partie, c’était comme si je ne vivais plus. Ma mère pleurait beaucoup, mon père gardait le silence. Je suis restée chez eux pendant un mois sans pouvoir sortir. On me forçait à manger. Mon compagnon a failli devenir fou. Je l’ai quitté car il me rappelait mon enfant, c’était trop dur. 

Etes-vous restée chez vos parents ?
Le fils d’un ami de mon père a voulu m’épouser et cette fois, mon père a accepté. Un mois plus tard, on était mariés. Ça s’est très mal passé. J’ai subi beaucoup de violences, et je suis tombée gravement malade. Un jour, un chanteur connu en Guinée m’a proposé de l’accompagner pour une tournée en France.  J’ai réussi à partir et ne suis jamais revenue. 

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la parentalité ?
En France, j’ai subi une opération qui m’a guérie mais je ne peux plus avoir d’enfant. La parentalité ne me rappelle que de mauvais souvenirs. Pendant longtemps, je ne pouvais pas toucher ou voir de nouveau-nés. Ils me rappelaient mon accouchement. J’aimerais bien me remarier pourtant… Je suis toute seule. Mais les hommes me font peur. A présent, j’ai fait le deuil de mon enfant mais parfois, je pleure encore sur mon passé. 

* La personne que nous accompagnons souhaite conserver l’anonymat en empruntant le prénom de Coumba.