Fondation Falret

SISM 2018 : Thierry et Nelly témoignent

Éducateur spécialisé au CHRS La Marcotte, Thierry Brousse accompagne de jeunes mères vers l'autonomie. Nelly est l'une d'entre elles. Rencontre.

Le CHRS* La Marcotte accueille à l’origine un public en situation de précarité, ayant des difficultés sociales ou une fragilité psychique. Depuis quelques années, les équipes accompagnent également de jeunes femmes enceintes au cours de leur suivi. Thierry Brousse est éducateur spécialisé. Il explique comment se déroule leur parcours.

*Centre d’hébergement et de réinsertion sociale

« Je veux lui donner l’amour d’une mère que je n’ai pas eu »

Nelly* arrive à La Marcotte en mai 2016, un CHRS qu’elle connait par le bouche à oreille. A l’époque, la jeune femme a 20 ans et vit dans une situation instable et précaire.  Allant de foyer en foyer, elle cherche à se réinsérer.

Dans quel contexte êtes-vous tombée enceinte à La Marcotte ?
J’ai rencontré le père de mon enfant en août 2016. Je voulais avoir des enfants, mais plus tard ! Etre stable et dans de meilleures conditions pour l’accueillir… Je suis tombée enceinte par accident mais il était hors de question d’avorter. Ce n’est pas par conviction religieuse mais je suis contre : pour moi, c’est comme enlever quelque chose qui a de la valeur. 
Ce n’était pas dans mes projets mais il a bien fallu se réorganiser. Heureusement, La Marcotte accepte les femmes avec enfants. Les portes sont ouvertes, ils nous aident !

Comment s’est déroulée la grossesse ?
J’ai vécu une grossesse très difficile, partagée entre la joie et le stress. Comment j’allais faire ? J’étais moi-même dans une structure, j’avais besoin d’aide et me voilà avec un problème de plus à gérer ! J’ai accouché par césarienne, or ma mère est décédée comme ça…J’ai eu très peur de connaître le même destin.

Et quand l’enfant est né ?
Au début, c’est difficile de tout gérer toute seule mais c’est normal. Je me suis adaptée petit à petit en imaginant m’occuper de mes sœurs, et les réflexes sont venus progressivement. J’avais déjà les bases !
J’étais en colocation avec deux autres filles mais depuis l’accouchement, je vis dans un studio individuel et deviens autonome en participant financièrement au loyer. Ça me permet de m’habituer à de nouvelles responsabilités, avant de quitter définitivement le CHRS.

Votre enfant a 6 mois aujourd’hui. Comment vous sentez-vous ?
Tout a changé. A chaque fois que je vois ma fille, je souris. Ça me donne de l’énergie pour m’en sortir et lui offrir de bonnes conditions de vie.  
La Marcotte m’a beaucoup aidé : j’ai eu un toit et une certaine stabilité grâce à un suivi psychologique et administratif.    
Je suis toujours avec le père de ma fille et j’espère qu’on vivra bientôt ensemble tous les trois. J’ai acquis les choses qu’ils m’ont appris : passer des entretiens, m’occuper des papiers administratifs ou de mon bébé lorsqu’il est malade. Je me sens prête pour partir et faire ma propre vie, fonder une famille.  Pour ça, il faut entrer dans la vie active. J’ai un CAP en Boulangerie et passe des entretiens, mais je dois aussi trouver une place en crèche car je devrai travailler la nuit…C’est compliqué.

Qu’est-ce que représente la parentalité pour vous ?
Etre mère, c’est énorme ! C’est quelque chose de très fort qui apporte plein d’amour et de joie. 
Je veux que ma fille ne manque de rien. J’ai été élevée en France dans la famille de mon oncle, mais ça s’est mal passé, j’ai été victime de maltraitance. Elle ne connaîtra pas la même enfance que moi. Je veux lui donner l’amour d’une mère que je n’ai pas eu. 
Depuis que je suis maman, je me pose les mêmes questions : comment je vais faire, qu’est ce que je vais faire ? Quand elles deviennent trop présentes, j’essaie de regarder les choses positivement et d’atteindre les objectifs que je me fixe, l’un après l’autre.

*Nelly souhaite conserver l’anonymat.